On a dansé le morne
L’église réverberise la clameur d’une applause inhabituelle
Béante, l’église intime au vent d’engouffrer
la nef
les travées
et
les bancs.
Soulever les rivages des chapeaux des cousines
caresser les perles de sueur du cou des tontons,
l’église intime au vent.
Portes béantes sur la place, l’église habite l’espoir
d’étouffer la chaleur de l’hivernage.
La cale de la paroisse contient le flot
kadensé des chants obséquieux.
Son Jésus Nègre vibre
sous la pellicule d’acrylique mahogany du nacre de sa peau.
Le Mon Père poursuit l’office.
Un rictus ravine son visage, traitrise du sentiment profond qui le frissonne.
Propre du même blanc que mon tricot, l’homélie balotte des poncifs de l’espérance.
Elle soulève un silence solennel qui gorge les bancs épars.
Sage
son homélie,
elle monotonise l’église,
elle tient la ligne,
à bout de mots,
elle se noie
son homélie.
L’applause venait du fond,
de l’est,
de l’ouest, l’onde vrombit,
elle submerge les mains les plus frileuses.
Les premières phalanges qui s’entrechoquent surprennent.
Les paumes s’embrasent et 2, 3, 4, 5 , 10 fois elles ravivent le cœur.
Du tympan au bout des doigts la partition de l’applause efface des mémoires les caractères des cantiques.
Ma mère appelle la sienne une dernière fois.
Quand le dedans du dehors ne se sépare plus,
les pieds martèlent le sol et
rappellent au ciel le souvenir de celle qu’on a couchée.
On a dansé le morne.
On a dansé le morne de la place à l’église,
de l’église au trou.
On a dansé la peine,
la mort
et la vie.
On a dansé l’Immobile,
son parfum,
son boucan,
ses silences,
sa tendresse.
Dansé son rire, dansé son éclat dans sa blessure.
Planté dans les carreaux du sol de sa boutique Moussa guette le cortège de l’Immobile.
Il reconnait le visage de sa fille qui mène le peloton ;
il esquisse sa commisération au croisement de nos regards.
Il nous guette.
L’Immobile exulte de son ventre le Kompas qui mène nos pas.
L’Immobile éclate les lames du soleil en épines de jour fichées
dans le bahut du vaisseau allemand.
Exalté dans l’ivresse d’une peine aride,
on a dansé jour ouvert le crépuscule d’une vie.